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Bilan pour l’année 2024 de la population des hirondelles et des martinets

Article de septembre 2024 rédigé par Christian Conrad, botaniste et naturaliste

Chaque année au printemps (mars), deux espèces principales, l’hirondelle rustique et l’hirondelle de fenêtre, ainsi que les Martinets arrivent d’un long voyage avec pour point de départ l’Afrique sud saharienne (10 000 Km) où elles ont passé les mois d’hiver.

Pourquoi migrer ?

La réponse la plus logique est que les hivers sont trop froids en Europe, ce qui n’est pas entièrement faux mais cette explication n’est pas suffisante car il existe bien des passereaux qui résistent au froid. La raison principale vient du régime alimentaire spécialisé de l’hirondelle. Elle ne mange que des insectes volants (plancton aérien) qui disparaissent totalement l’hiver alors qu’en Afrique, à cette saison, il y a abondance

Alors pourquoi ne se reproduit-elle pas là-bas ? Une des hypothèses repose sur le fait que la concurrence est rude en Afrique en période de nidification.

Le retour

Fin septembre, les jeunes hirondelles et les adultes qui ont terminé d’élever leur progéniture se regroupent le soir en dortoir dans les roselières, zones humides, bois autour des étangs pour y passer la nuit. Les journées sont entièrement consacrées à la chasse car il faut constituer une réserve de quelques grammes de graisses ; ce précieux carburant qui permettra de traverser mer et désert. Il a été constaté que dans certains endroits où les roselières, zones humides ont été complètement rayées du paysage (zones de cultures intensives) les hirondelles sont contraintes de se rassembler dans ce qui ressemble le plus à des roselières : les champs de maïs…

Précisions

L’hirondelle existait bien avant nous, elle est présente sur terre depuis 35 millions d’années. Il en existe 74 espèces dans le monde, mais en Europe et en Occitanie, on en compte 5 espèces différentes. Celle qui niche sur les façades des maisons est l’hirondelle de fenêtre, on la reconnaît à son ventre blanc et à sa queue assez courte. Chez nous, elles arrivent au cours du mois de mars et repartent en septembre ou en octobre au plus tard. Insectivores, elles mangent jusqu’à 3 000 insectes par jour, notamment des mouches et des moustiques. Chaque automne, elles migrent et parcourent des milliers de kilomètres.

Dans le département du Tarn, il y a quatre espèces, l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum), L’hirondelle rustique (Hirundo rustica), l’hirondelle de rivage (Riparia riparia) et l’hirondelle de rocher (Ptyonoprogne rupestris) que l’on peut observer à Puycelci aux abords de la falaise où elles nichent. Nous avons eu deux couples qui se sont installés à Lisle sur Tarn pendant quelques années. Un premier couple qui nichait sous le pont qui enjambe le Tarn et ensuite un autre couple a bâti un nid sous les couverts de la place centrale du village. Elles sont restées deux années, ensuite trop dérangées par les gens qui venaient les photographier, elles sont parties l’an passé après la première couvée et ne sont pas revenues cette année.

Souvent confondus avec les hirondelles, les martinets n’appartiennent pas à la même famille, les hirondelles sont des Hirundinidés en français, nom scientifique Hirundinidae, les martinets des Apodidés (Apodidae), c’est un oiseau beaucoup plus rapide (200Km/h) que l’hirondelle (40-60Km/h), il passe la majorité de sa vie en vol. Il a une envergure supérieure aux hirondelles, de 42 à 48 cm, 32 à 35cm pour l’hirondelle rustique qui est l’une des plus grandes.

Déclin des oiseaux

Les hirondelles sont menacées d’extinction, leur population diminue drastiquement depuis plusieurs années. Le résultat des suivis le démontre, il a été calculé une chute de 41% pour l’hirondelle rustique et 33% pour l’hirondelle de fenêtre. C’est aussi le résultat du déclin de notre écosystème, tous les ans, ce sont 20 millions d’oiseaux qui disparaissent, avec un total de 800 millions d’individus sur les 40 dernières années en Europe, un constat préoccupant.

Les causes

Que devient un oiseau insectivore à la belle saison lorsqu’en Europe 75 % des insectes volants ont été éradiqués par les pesticides depuis 30 ans, selon une étude allemande ? « Pour l’hirondelle, le manque de nourriture est flagrant, mais il y a aussi une moins bonne acceptation de ses prétendues « nuisances » : pour éviter les fientes, on détruit leurs nids sous les avants toits des maisons, les encadrements de fenêtres, lorsqu’on ravale la façade ». Et si l’on ajoute à cela qu’avec le réchauffement climatique et des hivers secs, « elles ont plus en plus de mal à trouver de la boue pour leur nid quand elles arrivent » mais aussi que « les espèces migratrices arrivant de plus en plus tôt, elles se retrouvent affamées parce que les insectes qui les nourrissent, eux, ne sont pas encore sortis.

« Encore dénoncés dernièrement par Benoît Fontaine du Museum national d’histoire naturelle, l’agriculture intensive et l’usage de pesticides, « en particulier les néonicotinoïdes », la mécanisation et la disparition des haies au profit des grandes parcelles ont de fait provoqué une véritable « hécatombe ».

Statuts

En France, hirondelles et martinets bénéficient, de par leurs statuts d’espèces menacées, d’un régime de protection établi par la loi du 10 juillet 1976 et l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009. Ainsi, sont formellement interdits la destruction et la mutilation, la capture et l’enlèvement des oiseaux, de leurs nids (même en période hivernale) et de leur couvée. Il est également prohibé de perturber intentionnellement ces animaux dans leur milieu naturel, en particulier pendant la période de reproduction. Toute infraction à ces règles expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison et 150 000€ d’amende.

Inventaire 2024

Cette année dans plusieurs régions et départements, les bilans sont plutôt pessimistes. J’ai réalisé le premier inventaire sur la commune de Lisle sur Tarn les 27 et 28 juin. En deuxième partie, après la première couvée ,je visite les différents nids où les hirondelles ont fait une deuxième couvée, je passe une à deux fois par semaine pour voir l’évolution de la couvée, de mi-juillet, à août, et mi-septembre. Cette année, il y a environ 40% de seconde couvée. Sylvie de Montans dans son chais et son entrée à 100 % de troisième couvée, les hirondelles rustiques seraient-elles plus vaillantes ? Je ne pense pas, elles arrivent plus tôt et évoluent dans un contexte où la nourriture est plus abondante, surtout quand il y a des bovins à proximité.

La marche à suivre

1- Comptage des nids en bon état sur chaque façade,

2- ensuite les nids occupés

3- puis les nids détruits ou endommagés. Concernant ces derniers, ils le sont, soit par destruction volontaire ou tombés accidentellement ou victimes des « squatteurs », très souvent des moineaux qui les endommagent. À leur retour, les hirondelles les retapent. J’ai constaté depuis deux ans, le déplacement de leurs habitats pour des raisons de température élevée. Sur deux maisons attenantes, une vingtaine de nids sont abandonnés depuis trois ans. J’ai pu constater la construction de nouveaux nids sur des maisons, alors qu’auparavant, il n’y en avait jamais eu.

En 2013, première année des inventaires à Lisle sur Tarn, nous totalisions 218 nids avec une occupation de 90%, 95% en 2014. La baisse des effectifs a commencé à partir de 2016 avec 178 nids et 130 occupés. En 2014- 2016, des bénévoles se chargeaient des inventaires dans les villes et villages de Gaillac, Brens, Castelnau de Montmirail et Montans. Maintenant, je me retrouve tout seul sur Montans et Lisle sur Tarn, si la population des hirondelles est en baisse, les bénévoles dans notre association ne courent pas les rues non plus !

A Lisle, la population des Martinets cette année a baissé de moitié, sur la commune de Montans, ils étaient quasiment absents.

Cette année, à la demande des propriétaires d’une maison, une planche a été installée sur le rebord d’une fenêtre (voir photo) pour parer à la tombée des fientes sur les marches de l’entrée principale et la tête de la propriétaire. Au début de l’automne, nous allons disposer une planchette en dessous de ces deux nids.

Protection provisoire contre les fientes – photo Christian Conrad
La becquée chez les hirondelles rustiques – photo Thierry Tancrez

Les résultats 2024 :

A Lisle sur Tarn, nombre total des nids 150, total des nids occupés 94, nids endommagés ou détruits 15.

Commune de Montans, nombre total des nids 90, total des nids occupés 54, nids endommagés ou détruits 5.

Si l’on compare sur les trois dernières années, on constate une baisse de la population des hirondelles : 2023 Total des nids 154, nids occupés 103, 2022 Total des nids 136, occupés 65, 2021 Total des nids 131, occupés 96

C’est pour nous le moment de les comptabiliser ainsi que leurs habitats comme chaque année depuis 2013.